Hambourg 1942, survivre par le théâtre pendant le STO




Jacques Parsy, comédien et metteur en scène

Né le premier jour de l'année 1922, Jaques Parsy fut l'aîné d'une famille de 4 frères. Il est le seul parmi ses frères qui sera envoyé en Allemagne, arrêté par le police française et réquisitionné de force pour le Service du Travail Obligatoire. Son frère Charles échappera de justesse à un contrôle de police et rejoindra les maquis pour entrer dans la résistance. C'est en été 1942 que Jacques Parsy est arrêté dans un train à destination de Alençon. La police française lui confisque sa carte de rationnement alimentaire et il est envoyé dès le lendemain, à l'âge de 20 ans, à Hambourg pour travailler pour le compte de l'armée Allemande.

Elevé dans une famille aisée, son arrivée en Allemagne est un changement brutal dans sa vie et il doit s'adapter rapidement. Jacques Parsy a grandi a Versailles, rue du maréchal Gallieni, à proximité du parc du château. Son père, Paul Parsy est un avocat de grande renommée, représentant en France les intérêts d'Anna Gould, héritière du roi des chemins de fer aux Etats-Unis, et plus grande fortune américaine. Sa mère, Henriette Choury de Lavigerie, quatre fois arrière petite-nièce de Turgot (ministre des finances de Louis XVI), est issue d'une grande famille de noblesse française d'origine normande, et dont la filiation est établie officiellement, par documents écrits conservés aux Archives Nationales, jusqu'aux Carolingiens.


Du travail forcé au théâtre

Travaillant à Hambourg dans la construction de bâtiments, Jacques Parsy, arrêté le même jour que Bertrand Groussart dans le train qui devait les emmener à Alençon, fera équipe avec Serges Braconier et Jean Romel avec qui il nouera rapidement des liens d'amitié, tissés peu après leur rencontre par Jean Romel, surnommé Jeannot par ses camarades, qui les isolait presque chaque soirs dans un atelier de rangement d'outils pour leur interpréter différentes scènes du malade imaginaire de Molière.

« La vie, dans les camps de travail en Allemagne, était très difficile » raconte Jacques Parsy, dans une interview accordée à Yves Morin pour le documentaire télévisé Les dossiers de l'Histoire. « Il fallait se battre surtout au début pour faire sa place et se faire un minimum respecter par les autres ouvriers qui ne se comprenaient pas toujours entre eux car nous étions une multitude de bonnes gens venant aussi en grand nombre des pays de l'Est mais pas seulement de France ».

L'hygiène dans les camps de travail était très précaire, tout comme le logement des ouvriers qui dormaient dans des dortoirs et devaient parfois régler leur comptes entre eux lorsque des comportements conflictuels survenaient. La nourriture, se souvient Jacques Parsy, était distribuée dans des gamelles métalliques et l'organisation des réfectoires était très aléatoire, laissant fréquemment place à des disputes ou à du racket entre les ouvriers. La conscience de la guerre était elle aussi quotidienne. Les bombardements des alliés avaient lieu de jour comme de nuit. C'est dans ce contexte de survie au quotidien que Jacques Parsy, avec ses 3 camarades Groussart, Romel et Braconier, va trouver dans le théâtre, une porte ouverte vers le rire et l'humour. Les 4 amis, soudés par une amitié de plus en plus solide, uniront leur talent en novembre 1942 pour présenter leur première mise en scène devant une garnison de soldats allemands et d'ouvriers de toutes nationalités.

Le succès de la première représentation leur permettra de pouvoir aménager une petite scène dans un bâtiment utilisé pour le stockage de poutres en bois. Plusieurs représentations auront lieu durant l'hiver 1942, rassemblant presque chaque fois de 40 à 70 spectateurs. Après quelques semaines, les 4 amis, souvent surnommés « La bande des quatre » par les ouvriers de leur camp, décideront de garder ce surnom pour annoncer leurs futures représentations théâtrales, jusqu'à ce que cette harmonie soit brisée par la mort de Serges Braconier, tué par un ouvrier russe à la suite d'une altercation survenue dans un abri anti-aérien. Jacques Parsy, qui avait lui même fondé « La bande des quatre » en décidant de mettre en scène le malade imaginaire, sera transféré dans un autre camp de travail, où grâce à ses talents de comédien, il se fera passer pour un vétérinaire jusqu'à la capitulation de l'Allemagne nazie.

Jacques Parsy avait à coeur d'aider ses camarades à garder le sourire même pendant cette période noire de l'Histoire. Il tenait particulièrement à ce que chaque jour se passe avec une note d'humour. Entendre les rires des ses amis était d'un grand réconfort lorsque les bruits qui animaient quotidiennement leurs journées étaient ceux des bombardements et des explosions. Que ce soient les ouvriers déportés pour le STO ou les soldats allemands qui les encadraient, Jacques Parsy ne faisait pas de distinction, il aimait distraire tout le monde et pour lui, l'humour n'avait pas de nationalité.

La guerre terminée, Jacques Parsy rejouera à plusieurs reprises, dans différents théâtre provinciaux, les pièces qu'il mettait en scène sous les bombardements alliés, ainsi que certaines pièces de Racine. Sa dernière représentation aura lieu à Alençon en 1953. Sa passion pour le théâtre et la comédie lui survivra, même après sa mort en 2010, l'ayant transmise à sa nièce Isabelle Parsy et à ses petits-fils Fabrice Parsy et Hugues Parsy.





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